France, Roland-Garros 2024 : un air de déjà vu – un discours bien trop souvent entendu

Après une énième édition très décevante côté tricolore, les spécialistes nous ont livré leurs analyses pour tenter de comprendre, d’expliquer, de justifier comment une Fédération aussi riche que la Fédération Française de Tennis (FFT) n’arrive pas à rivaliser avec d’autres nations, bien moins puissantes économiquement. 

Pour point de départ de cet article et pour rappel, les constats effectués le 2 juin 2023 à Roland-Garros, par Santoro, Tsonga et Forget. Alors un an plus tard, où en sommes -nous sur la cartographie du tennis mondial ?

Italie – La planète tennis s’interroge sur le modèle de réussite italien

Le bon parcours d’Arnaldi, la demi-finale de Sinner, la finale en simple de Paolini…La presse, les spécialistes se questionnent :

  • Eurosport : « En pleine bourre, que fait de mieux le tennis italien que le tennis français ? »
  • RMC Sport : « Les secrets de la réussite du tennis italien, brillant sur tous les tableaux ».
  • Watson (Suisse) : « comment le tennis italien est-il devenu si performant ? »

Ivan Ljubicic – Directeur du haut-niveau à la FFT – Ses explications sur la réussite actuelle du tennis italien

Mercredi 5 juin 2024, en plein tournoi de Roland-Garros, Ivan Ljubicic tient une conférence de presse, sous-forme de débriefing. Cette conférence est visible sur la chaîne Youtube de Tennis Actu.

Un journaliste pose directement la question au directeur du haut-niveau à la FFT : « L’italie obtient des résultats exceptionnels lors de cette édition 2024. Que font-ils de mieux que nous en France ? ».

La réponse du Croate peut se résumer en 3 grands axes :

  1. Une continuité au sein de la présidence de la Fédération Italienne. Cette stabilité amène une cohérence dans les actions. 
  2. La décision de l’Italie d’abandonner son centre national d’entraînement, en collaborant avec les coachs privés des académies (Piatti par exemple. Sinner n’a jamais mis les pieds au centre national en Italie, propos de Ljubicic). La Fédération est donc devenue une Fédération de services, à la disposition des projets des joueurs.
  3. La mise en place de projet individuel. Ce sont les familles et les joueurs qui portent leurs ambitions, se l’approprient très tôt.

    Espagne – nouveau triomphe à Roland-Garros avec Carlos Alcaraz

    Les années passent, les champions changent, mais pas l’hymne national au moment de la remise du trophée chez les messieurs. La transition entre Rafa et Carlos a déjà lieu. Car oui, si le tennis italien a brillé, il faudra compter sur le tennis Espagnol dans les années à venir. 

    Derrière cette réussite, un duo joueur – coach, emprunt de RESPECT mutuel, de CONFIANCE absolue l’un envers l’autre. 

    Andy Roddick :

    « Juan Carlos Ferrero est trop souvent mis dans le même sac que les entraîneurs célèbres. En l’état actuel des choses, je ne pense pas que je puisse voir un jeune de 14 ans sur Terre pour lequel je renoncerais à ma vie actuelle pour aller travailler avec un jeune de 14 ans et en faire un champion, ce qui n’est pas la même chose que de venir avec un jeune de 21–22 ans qui est déjà bien en place ou qui a déjà gagné des tournois du Grand Chelem. Il a développé un champion du Grand Chelem » (Tennis Infinity).

    Espagne – Albert Molina, agent de Carlos Alcaraz

    Avant de prendre en main le jeune Alcaraz, Juan Carlos Ferrero était le coach de Zverev, finaliste à Roland-Garros. Une collaboration difficile, conclue sous forme de passe d’armes médiatique. En décidant de mettre fin à sa mission, Ferrero renonce aux hôtels de luxe, aux déplacements en jet-privé…etc. Alcaraz n’est à ce moment-là qu’un jeune joueur prometteur.

    Albert Molina, résume parfaitement le lien particulier entre la famille, le joueur et son coach :

    « Juan Carlos a fait un effort et a investi dans l’avenir. Lorsqu’il accepte et commence à travailler avec Carlos, il est conscient qu’il ne va pas gagner ou être payé comme il pourrait l’être, en tant qu’entraîneur d’un joueur de haut niveau. Juan Carlos investit dans l’avenir. Et comme nous avons une très bonne relation… C’est une question de relations personnelles. Investir dans l’avenir, c’est bien sur le moment, mais ensuite les gens peuvent vous décevoir. Mais Juan Carlos et moi avons une bonne relation et nous savions que ce que nous avions convenu serait respecté. Et la famille a été très noble et a toujours respecté ce qui avait été convenu ». (Relevo).

    Le système Français – qu’en pense t-il en Espagne ? Réponse des coachs

    Avant le début du tournoi de Roland-Garros 2024, un jeune reporter, a réalisé un documentaire intitulé « Temps mort – le problème du tennis Français« .

    Durant une douzaine de minutes, la parole est d’abord donnée à des coachs Français. Ensuite, 3 grands coachs Espagnols se succèdent au micro pour expliquer les différences entre le modèle Espagnol et Français.

    Trois grandes idées ressortent : 

    1. La puissance économique de la FFT installe les jeunes dans un confort. Les Espagnols sont habitués très tôt à devoir aller chercher par eux-mêmes les choses. Rien ne leur est accordé sans efforts, sans investissement, sans sacrifice.
    2. La mise en avant de la qualité de la formation technique en France. L’Espagne insiste davantage l’état d’esprit, l’engagement physique, que sur la justesse d’un geste.
    3. La mise en place de petits groupes d’entraînement, où chacun s’entraide, permettant d’individualiser les consignes sans isoler les joueurs (ambiance, atmosphère saine).

      Conclusion – « Nous savons ce qu’il faut faire mais c’est impossible à mettre en place en France »

      Tous ces constats sont évidemment bien connus en France. En 2021 déjà (et on peut facilement remonter plus loin), la presse louait la réussite du tennis italien :

      1. Journal « Les Olympistes » : L’Italie, le nouvel empire du tennis mondial (04/06/2021)
      2. RMC Sport : « Pourquoi le tennis italien est plein de promesses ? » (05/06/2021)
      3. 20 Minutes : « Pourquoi les italiens cartonnent-ils à Roland-Garros ? » (07/06/2021″

      Trois ans plus tard, quelles sont les avancées en France ? Le système fédéral s’est-il rapproché de ses voisins Italiens ou Espagnols ?

      La réponse est donnée dans le podcast « le Cri du Coeur – le tennis italien« , 6 Juin 2024, arrive à la conclusion suivante sur les propos d’Ivan Ljubicic « C’est comme si il savait ce qu’il faut faire pour y arriver mais qu’il nous disait que c’est impossible à réaliser en France ».

      Avis

      L'Italie a fait le choix de décloisonner son mode de fonctionnement. La Fédération n'impose rien, ne décide de rien, ne casse pas une dynamique entre un joueur et son coach. Elle est au service du joueur, des familles, tout en reconnaissant la pertinence des entraînements dans les structures privées (clubs ou académies), avec des coachs totalement engagés dans le projet. On parle avant tout de projet individuel. D'autres nations ont fait ce choix : l'Espagne, Les pays de l'Est chez les filles, les Etats-Unis...etc. En analysant rétrospectivement les 20 dernières années sur le circuit professionnel, le mode de fonctionnement "gagnant" est celui des projets individuels, familiaux (Gauff, Williams, Fernandez, Alcaraz, Sinner, Nadal...etc). C'est une réalité factuelle.

      Le challenge, pour nous Français, est d'observer collectivement, avec lucidité, en laissant notre ego de côté, les systèmes d'entraînement performants. Sans renier notre identité, nos compétences, nos savoirs, et en mobilisant les moyens économiques colossaux pour devenir bien meilleur. Qui peut résolument penser, en 2024, que les plus grandes chances de réussir sont dans le changement permanent de coachs ou de staff, passant de structures en structures, clubs/académies, ou pôles départementaux/régionaux puis nationaux ? La stabilité de l'équipe est capitale. Nous en revenons à l'importance de la relation de confiance entre un coach, un joueur, une famille. La famille a le pouvoir de décider, de ne pas subir les choix imposés, en contradiction, avec le chemin vers le succès.

      En compilant des articles de presse, des documentaires, des podcasts, j'ai voulu donner la parole à différents acteurs. Savoir écouter et entendre l'opinion des autres est fondamental. Le challenge est d'appliquer les idées présentées ici-même tout au long de l'année. Pas seulement au moment de Roland-Garros. La réelle différence se fait dans la constance, dans notre passion (exigence) au quotidien.
      Geoffroy

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